Une vie, une histoire
I won't go home without you Je suis née à Asura, un trois mai. Je m'appelais alors Lee Dahlia. Mes parents étaient tellement heureux de pouvoir avoir un enfant, eux qui se trouvaient restreints par la politique de la ville. Ils étaient des scientifiques doués et regrettaient parfois qu'il n'y ait aucun remède. Mais ce trois mai, alors qu'il tenaient enfin leur petit bébé nouveau né dans leurs bras, j'ose espérer qu'il n'y avait pas eu plus beau jour pour eux. Ma mère, en toute bonne scientifique qu'elle était, croyait au pouvoir des fleurs, et c'est pour cette raison qu'elle insista pour me donner le prénom de la fleur préférée de sa mère, le dahlia, mettant de côté la rose, qu'elle aimait tant.
Les années passaient et j'aimais vraiment ma vie avec eux. J'étais une petite fille épanouie et tout m'émerveillaient. Je croyais au bonheur, à la vie parfaite. Ma vie était tout simplement un véritable rêve. Et, malgré le travail de mes parents que je ne comprenais pas du tout, j'étais toujours au centre de leur attention, aimée et voulue.
Mes parents, en tant que scientifiques, travaillaient sur un énorme projet qu'ils considéraient comme le projet de leur vie. Ils en parlaient avec tellement d'enthousiasme aux gens qui venaient chez nous, que dès que j'en entendais parler, j'avais ce petit creux d'excitation au fond de mon ventre. Je
savais que c'était quelque chose d'important. Quelque chose de révolutionnaire. Seulement, je n'avais aucune idée de ce dont il s'agissait.
Mais un jour, force d'en parler probablement, des gens s'introduisirent par effraction et avec une brutalité que je ne connaissais pas chez nous. Mon père eut tout juste le temps de me cacher, qu'ils furent descendus tous les deux, quasiment sous mes yeux. Hors d'haleine, je me forçais à respirer le moins fort possible et croisais les doigts pour qu'on ne me trouve pas, et qu'une fois les intrus partis, mes parents se relèvent. Mais ça n'arriva pas. Prostrée, je restais ainsi plusieurs heures, peut être plus, des jours probablement, avant que quelqu'un ne se rende sur les lieux et ne vienne me récupérer. Méfiante au début, j'avais fini par me laisser faire, à bout de forces, sous le choc, et pas mal affamée.
On m'expliqua le plus précisément qui ils étaient, qui étaient mes parents et pourquoi on leur avait voulu du mal. Ils étaient des rebelles. Tous. Mes parents faisaient partie du groupe de personnes qui avaient durement travaillé sur un remède à l'infertilité imposée par le gouvernement. Et ils avaient réussi. Seulement, quelqu'un avait dû répéter à la mauvaise personne ce qu'il savait et ils avaient été trahis. Seulement eux. Du haut de mes six ans, il m'était impossible de mettre un mot sur l'horreur de tout ça et sur mon incrédulité. Je ne voulais pas que ce soit vrai, je ne voulais pas que ce qui était arrivé soit réel. Mais rien ne semblait vouloir changer au fil des jours.
Si ma peine grandissait et mes parents me manquaient de plus en plus, avec les rebelles j'appris à vivre avec, à m'habituer à des inconnus, et à penser comme eux. Et, tandis que je grandissais, je nourrissais une haine incommensurable à l'égard de ce gouvernement qui avait décidé de supprimer les deux personnes que j'aimais le plus au monde.
Je changeais alors d'identité, selon l'idée d'un rebelle. Le but étant qu'aucun de nous ne se fasse tuer à cause d'une erreur. J'appris donc absolument tout de Callixo, ville voisine, et on me fit des faux papiers. J'étais désormais capable de citer absolument toutes les rues de la ville où je n'avais pourtant jamais mis les pieds, et savais les décrire avec plus de conviction que celles de Vyus.
Ma nouvelle identité me permettait de devenir qui je voulais. Mon choix n'avait pas plu à beaucoup, et je pouvais le comprendre. Mais de mon point de vue, je n'avais plus rien à perdre, ce depuis plusieurs années, et je n'avais pas besoin qu'on me moralise. J'avais pris ma décision.
Rien de tel que des discussions sur l'oreiller. J'avais choisi de me jouer d'eux, tous ces politiques, ces partisans importants, qui pourraient me permettre de nourrir ma vengeance, alors que chacun pensait se jouer de moi, qui n'étais finalement qu'une simple fille parmi tant d'autres, celles à qui ont fait croire monts et merveilles et qu'on finit par abandonner avec une petite liasse de monnaie pour leurs bons services. Mais ils ne savaient pas, non ils ne se doutaient pas. Mais, de mon côté, je jubilais de ma tromperie. Tous ceux qui étaient impliqués dans la mort de mes parents ne savaient pas qu'ils venaient de s'ébattre avec leur fille. Non parce qu'aucun ne se doutait que, dans leur lit, le vrai nom de cette prostituée que j'étais n'était pas Kim Rosalia.